On avait acheté sur catalogue 3 semaines de croisière dans le Pacifique.
Lentement poussés par un alizé régulier sur une houle longue et majestueuse
sous un ciel d’azur…
Les poissons devaient se jeter sur nos lignes, que dis-je, dans nos
assiettes…
La nuit subéquatoriale devait chaque soir nous offrir de somptueux couchers
de soleil ; la Croix du Sud au pied de la Voie Lactée nous indiquait notre
route chaque nuit sans faillir.
Les quarts de nuit effectués par principe devaient être un prétexte à
passer des nuits à la fraicheur de la belle étoile !
La réalité fut tout autre …
Et comme j’ai vaincu les réticences du Comité de censure (qui a quand même
refusé que je vous parle du pilote automatique, du hale-bas et du frigo),
je vais pouvoir vous raconter une tranche de la vraie vie de nos valeureux
marins.
Il y a tout de même une constante en navigation, c’est que les emmerdes
arrivent toujours de nuit. C’est tellement plus simple pour réduire une
voilure, réparer un hale-bas, changer une poulie etc…
Donc hier soir après un frugal dîner, le vent a commencé à forcir et à
passer (doux alizé) de 15 à 30 nœuds. Dans notre optimisme béat, nous avons
mis ça sur le compte d’un grain passager. Que nenni ; le coup de vent
s’installant, il a fallu passer un ris, puis deux, puis rouler le génois
une fois, deux fois ! On n’allait quand même pas sortir le Tourmentin que
l’on n’a jamais sorti !
Les vagues, du coup, se sont mises de la partie ; et on a dansé le Rock and
Roll comme des petits fous… Apres ¾ d’heure de barre non-stop, Benoît est
redescendu un peu fatigué et nous a commenté laconiquement sa performance :
« C’est sportif, là-haut ! ».
Ponctuant cet euphémisme, Boum ! La poulie de hale-bas pette !
Bon, ça attendra demain dit le capitaine qui devient philosophe (comme quoi
dans l’adversité tout arrive).
Du coup, nous allons prendre un peu de repos- une heure de sommeil de temps
en temps ça ne peut pas nuire-
Mais avant de vous quitter, il faut que je vous raconte une dernière petite
histoire concernant le confort que nous offre cette croisière conçue sur
mesure : Dormir à l’avant du bateau ça consiste à dormir dans le tambour
d’une machine à laver (le bruit, le mouvement – jamais essayé ? Vous
devriez, c’est une expérience intéressante -) ; donc, histoire de dormir un
peu, j’ai quitté ma bannette à l’avant pour faire un petit somme sur le
canapé du carré. Bien m’en a pris car un coup de gite plus tard, je me suis
retrouvée sous la table avec mon oreiller ! Toute penaude et en toute
discrétion je suis retournée dans mon tambour de machine à laver.
Le matin de cette performance nocturne, le vent ce sale hypocrite est
redescendu à 15 nœuds comme si de rien n’était, le ciel est bleu et le
soleil tape bien mais les vagues continuent de nous chahuter.
Nous sommes dans l’archipel des Tuamotus que nous allons traverser de nuit.
Cette croisière ne prévoyait pas de visite de jour ou alors avec un
supplément trop cher pour nous. De toute façon, nous préférons y retourner
plus tard depuis Tahiti avec un bon alizé dans le nez, c’est beaucoup plus
sympa et « sportif » comme dirait Benoît !
J’espère ne pas vous avoir trop effrayés, mais vous savez que nous ne
sommes pas partis cueillir des champignons dans la forêt creusoise.
Notre position ce vendredi 24 à 18h votre heure :
L : 142° 36'W
l : 15' 50'S
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